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23 septembre 2007

L'estimation administrative peut elle servir de référence dans la notation du prix ?

Une réponse ministérielle à une nouvelle question du Sénateur Piras publiée dans le JO Sénat du 23/08/2007 - page 1473 laisse dubitatif.

Sommaire :
- La question et la réponse
- Examen de la question
- Examen de la réponse
- Discussion


La question et la réponseVous trouverez ici la question et la réponse, que voici légèrement reformatée et numérotée pour faciliter la discussion :

1/ a)À titre liminaire, il convient de souligner que la méthode utilisée dans l'exemple proposé n'est pas conforme aux dispositions du code des marchés publics,
b) d'une part, parce qu'elle aboutit à priver d'efficacité le critère de la valeur technique
c) et parce qu'elle opère une distorsion dans la mise en oeuvre du critère du prix en faisant interférer un concept étranger à ce critère, à savoir, l'estimation administrative de la prestation, d'autre part.

2/ a)L'estimation administrative de la prestation doit effectivement jouer un rôle dans la passation d'un marché,
b) mais uniquement
c) pour permettre de choisir le type de procédure à mettre en oeuvre
d) et contribuer à l'adoption de l'enveloppe budgétaire qui devra être votée dans le cas des collectivités territoriales
e) mais également pour constituer l'un des repères de détection des offres anormalement basses.

3/ a)
En revanche, cette notion d'évaluation administrative n'a aucun rôle à jouer dans l'application des critères de sélection des offres, notamment du critère prix,
b) qui doit donner lieu à une comparaison directe des offres entre elles,
c) le prix le plus bas devant obtenir l'évaluation la plus haute pour l'application du critère prix.

4/ Enfin, la détection des offres anormalement basses doit être effectuée, avant la comparaison des offres, au vu du prix proposé, afin de permettre au prestataire concerné de produire les explications qui permettront ou non, au pouvoir adjudicateur, de prendre en compte l'offre en cause dans le processus de comparaison des offres.

5/ La garantie de l'égalité de traitement des candidats et du choix de l'offre économiquement la plus avantageuse est liée au choix des critères et à l'importance qui leur est respectivement donnée.

6/ Or ces deux éléments dépendent directement de l'objet du marché, des circonstances de l'achat et varient donc en fonction de ceux-ci. C'est pourquoi il ne peut être fixé globalement et de manière uniforme des règles concernant la détermination des critères les plus appropriés et du poids respectif qui doit leur être donné."




Examen de la question

Examinons le dispositif de notation figurant dans la question d'origine. Ce dispositif est particulièrement critiquable :
- en donnant la note maximale (10) à l'Estimation Administrative (EA), et des notes inférieures non seulement aux offres ayant un montant supérieur mais également aux offres ayant un montant inférieur à 0,9 EA.
- en introduisant un palier, toutes les offres étant entre 0,9 EA et l'EA ayant la même note.

De fait la critique serait identique si ce dispositif de notation faisait référence à un autre élément que l'estimation administrative que cet élément soit déterminé par le pouvoir adjudicateur avant qu'il ait connaissance des offres ou que cet élément soit déterminé à partir des offres.

Il est effectivement difficile d'imaginer que le pouvoir adjudicateur n'ait pas toutes chose égales par ailleurs une préférence pour les offres dont le montant est le plus faible tant que ces offres ne sont pas des offres anormalement basses ce que l'on retrouve au (3c) "le prix le plus bas devant obtenir l'évaluation la plus haute pour l'application du critère prix". Il en est de même, pour la même raison, de tout dispositif notation du prix conduisant à donner une même note sur ce critère à deux offres de prix différents.



Examen de la réponseEn raison de la critique que nous faisons ci-dessus du dispositif de notation figurant dans la question d'origine, nous partageons la conclusion (1a) "la méthode utilisée dans l'exemple proposé n'est pas conforme aux dispositions du code des marchés publics". En revanche les raisons données sont critiquables. Le (1b) " parce qu'elle aboutit à priver d'efficacité le critère de la valeur technique" est à tout le moins difficilement compréhensible. Le dispositif proposé n'a aucun effet sur l'appréciation donnée pour le critère et la pondération garde toute son efficacité. Mais c'est bien sûr le 1c "parce qu'elle opère une distorsion dans la mise en oeuvre du critère du prix en faisant interférer un concept étranger à ce critère, à savoir, l'estimation administrative de la prestation, d'autre part." et son argumentation qui appellent ce billet.


La partie 2 de la réponse rappelle les rôles de l'estimation administrative. Elle n'appelle en elle même pas d'observation si ce n'était le fait que le (2b) "mais uniquement" limite les usages de cette estimation, ce qui renvoie à la discussion du point central de ce billet.


Le (3a) "cette notion d'évaluation administrative n'a aucun rôle à jouer dans l'application des critères de sélection des offres, notamment du critère prix" n'est que la répétition de la thèse.

Le (3b) indique que " le critère prix ... doit donner lieu à une comparaison directe des offres entre elles" c'est ce que nous contestons ci après. Il éclaire le (3c) "le prix le plus bas devant obtenir l'évaluation la plus haute pour l'application du critère prix" qui peut se comprendre de deux façons. La première "le prix le plus bas devant obtenir l'évaluation la plus haute parmi les offres pour l'application du critère prix" ne pose pas de problème, a été exposé précédemment dans la discussion du dispositif de notation proposé dans la question parlementaire. La seconde "le prix le plus bas devant obtenir l'évaluation la plus haute parmi les toutes notes possibles pour l'application du critère prix" serait plus contestable.


Le 4 "Enfin, la détection des offres anormalement basses doit être effectuée, avant la comparaison des offres, au vu du prix proposé, afin de permettre au prestataire concerné de produire les explications qui permettront ou non, au pouvoir adjudicateur, de prendre en compte l'offre en cause dans le processus de comparaison des offres." n'appelle pas d'observation puisqu'il rappelle les dispositions du code.


Le 5 "La garantie de l'égalité de traitement des candidats et du choix de l'offre économiquement la plus avantageuse est liée au choix des critères et à l'importance qui leur est respectivement donnée."
est plus contestable car s'il est évident que le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse est lié au choix des critères et à l'importance qui leur est respectivement donnée il n'est est pas de même de l'égalité de traitement des candidats.


Le 6 "[Le] choix des critères et [l]'importance qui leur est respectivement donnée ... dépendent directement de l'objet du marché, des circonstances de l'achat et varient donc en fonction de ceux-ci. C'est pourquoi il ne peut être fixé globalement et de manière uniforme des règles concernant la détermination des critères les plus appropriés et du poids respectif qui doit leur être donné." n'appelle pas d'observation.


Discussion


Ce que contestons, c'est toute interprétation qui imposerait que la note pour le prix doive être obtenue par une formule du type "Prix de l'offre la plus base / Prix de l'offre"

Tout d'abord, remarquons que le rédacteur de la réponse s'est bien gardé de donner une règle de notation pour le critère prix, pourquoi ? sans doute pour les mêmes raisons que celles du 6 concernant les critères et leur pondération à savoir qu'il n'est pas possible de fixer de façon uniforme de règle en la matière.

Par ailleurs, les formules du type "Prix de l'offre la plus base / Prix de l'offre" présentent divers inconvénients.

Elles ne respectent pas ce que l'on pourrait appeler le principe d'indépendance, à savoir que le choix entre deux offres ne dépend pas de la présence d'une troisième offre. Il est donc possible que l'on ait A > B > C mais qu'en l'absence de C l'on obtienne B > A.

Elles rendent difficiles la mise au point de la pondération car notation et pondération sont liées dans la méthode de moyenne ou somme pondérée.

Toutefois, il est vrai que la réponse ministérielle se prête à une telle interprétation, "le critère prix ... doit donner lieu à une comparaison directe des offres entre elles", tout le problème vient donc ce "directe". Mais la réponse ne justifie jamais cet argument. En particulier elle n'indique pas en quoi une méthode du type "(Estimation administrative - Prix de l'offre) / Estimation administrative" ou bien toute autre formule linéaire basée sur un ou deux points de référence serait critiquable.


Pour ces raisons, il est sans doute préférable de considérer que l'interprétation qu'il convient de donner à la réponse ministérielle est difficile sur les points soulevés.

4 commentaires:

  1. Je veux bien me rendre à vos arguments que l'offre anormalement basse (OAB) n'est pas simplement celle qui est moins chère que le prix estimé (le plus bas)et qu'on ne peut donc utiliser une méthode purement mathématique de notation pour éliminer les OAB.

    En revanche je vous rejoins sur le fait qu'on peut baser une méthode de notation linéaire tout à fait acceptable prenant comme "pivot" le prix estimé / Maxime JACOB

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  2. Anonyme31/10/07

    "Par ailleurs les formules du type "Prix de l'offre la plus base / Prix de l'offre" présentent divers inconvénients.

    Elles ne respectent pas ce que l'on pourrait appeler le principe d'indépendance, à savoir que le choix entre deux offres ne dépend pas de la présence d'une troisième offre. Il est donc possible que l'on ait A > B > C mais qu'en l'absence de C l'on obtienne B > A. "

    je demande à voir...

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  3. (J'arrive un peu tard dans la discussion.)

    Bon exemple. Avec les deux conditions (A>B>C) et (B'>A'), la formule de transformation du prix en note connue et les nombreuses constantes, il est aisé de voir qu'il existe de nombreux cas de ce type.

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